Autisme, Dissociation

Les traumas autistiques et les troubles dissociatifs

Tout d’abord, un petit rappel des définitions :

  1. L’autisme est une neuroatypie développementale qui cause des différences de socialisation et communication , des intérêts spécifiques et des différences sensori-motrices. L’autisme est fréquemment associé à des troubles co-occurents (« comorbides ») tels que l’anxiété, les troubles de l’humeur, les TOC, etc. Pour en savoir plus, consultez notre catégorie autisme parce qu’on ne saurait résumer en 3 lignes.
  2. Les troubles dissociatifs sont une catégorie de diagnostics liés à des altérations de l’intégration de la mémoire, des sens, de l’identité… Ici, on parlera plus spécifiquement des troubles dissociatifs causant la présence d’état alternatifs de conscience (alters), c’est-à-dire de la coexistence de plusieurs identités au sein d’un même corps et qui alternent au contrôle (switch) avec chacune leur personnalité, leurs opinions, etc. L’origine de ces troubles est traumatique, et en particulier, des traumatismes répétés dans l’enfance. Il existe deux sortes de troubles dissociatifs avec alters : le TDI (trouble dissociatif de l’identité) et l’ATDS 1 (autre trouble dissociatif spécifié) ou les alters ne sont pas autant différenciés que dans le TDI (ATDS 1a) ou n’ont pas de barrières amnésiques (ATDS 1b).

Les traumas autistiques

Ayant cherché sur Google Scholar, je n’ai trouvé aucune étude sur le TDI chez les personnes autistes. On ignorerait donc sa prévalence.

Pourtant, les autistes sont plus exposés aux traumatismes. Et ce, pour toute une panoplie de raisons : les discriminations et le rejet social, souvent doublé de harcèlement scolaire, l’environnement scolaire en lui-même étant traumatisant car non-adapté (euphémisme), parfois le rejet voire la maltraitance des parents mêmes, la maltraitance médicale avec des thérapies abusives et traumatisantes (ABA), etc. Ajoutons l’hypersensibilité sensorielle, qui va causer un stress aigu sur le cerveau lorsque l’environnement est trop surchargeant. Ainsi que la compensation et le masking forcé, qui est épuisant, et conduit au burn out autistique (entre autres). Les autistes sont aussi plus susceptibles d’être victimes de relations toxiques et d’abus sexuels.

L’ensemble de ces éléments constitue ce qu’Autistic Selves, une personne multiple autiste, appelle les traumas autistiques : ce sont les traumatismes spécifique au vécu autiste.

Les traumas autistique sont des traumas répétés dans l’enfance par nature.

Ceci nous conduit donc à supposer une prévalence plus élevée des troubles dissociatifs dans cette population, étant donnée l’origine de ceux-ci.

Autistic Selves explique que son TDI est une réponse à ses traumas autistiques et est un mécanisme de défense. Le TDI participe ainsi aussi au masking de l’autisme avec des alters plus sociaux que d’autres par exemple. Lorsque l’alter hôte ne parvient plus à naviguer le monde neurotypique et à gérer la situation, il est « remplacé » par un nouvel alter plus apte.

La difficulté du diagnostic des troubles dissociatifs chez les autistes

Encore une fois, je n’ai pas de littérature scientifique sur la question. Mais je postule une difficulté spécifique à diagnostiquer les autistes avec un trouble dissociatif. Déjà par le simple manque de spécialistes accessibles compétents pour diagnostiquer les deux. Mais aussi parce qu’il peut y avoir des « symptômes confondants » à mon sens. Il sera en effet bien facile de tout remettre « sur le dos de l’autisme ».

Je m’explique.

La présence d’alter peut causer une suractivité mentale avec des débats intérieurs et des conflits interne qui peuvent facilement être résumé à « les autistes pensent trop ».

Les switch et influences passives entre alters peuvent causer des changements d’humeurs mais les autistes ont souvent aussi des troubles de l’humeur.

L’amnésie émotionnelle (détachement d’un évènement) due aux barrières entre alters et aux souvenirs propres à chacun-e-s peut être confondue avec des problèmes de permanence émotionnelle largement répandus chez les personnes autistes (avoir du mal à se souvenir des émotions passées, se rappeler qu’on peut être dans un autre état émotionnel que celui qu’on vit maintenant).

Des comportements inhabituels et changeants, de l’extérieur, cela peut être mis sur le dos de l’autisme aussi, parce qu’après tout, les autistes sont bizarres et mystérieux-ses (du point de vue psychophobe on s’entend). Donc un-e professionnel-le ne va pas forcément chercher plus loin.

Et je suis sûr que j’oublie des choses, mais cela vous donne déjà une idée de ce que je veux dire.

Le traitement des troubles dissociatifs chez les autistes

Et c’est là que ça devient encore plus important d’avoir des recherches là-dessus, car on imagine bien qu’on ne prendra pas en charge une personne autiste multiple tout à fait pareil qu’une personne autiste singlet (non multiple) ou qu’une personne multiple non-autiste. La base quoi.

Déjà, il semblerait que l’amélioration de la communication entre alters et l’augmentation du niveau de co-conscience puisse faire « empirer » en apparence les traits autistiques. Oui, parce que la présence d’alters chacun-e-s spécialistes de leur domaine (social notamment) aide à masquer l’autisme. Donc c’est à prendre en compte, car si le traitement des troubles dissociatifs est fait sans considération de ce facteur, cela peut être très déstabilisant pour le système (et qui dit déstabilisation du système, dit réarrangement du systèmes avec de nouveaux alters en général).

Autre facteur à prendre en considération : les traumas autistiques continuent sous une forme ou une autre à l’âge adulte. Dans le traitement du TDI/ATDS, il y a deux finalités possibles : l’intégration finale (fusion de tous les alters en un seul) ou la multiplicité fonctionnelle (meilleure communication, moins d’amnésie, plus de co-conscience, mais toujours des alters). Or, le risque avec la fusion finale, c’est de re-dissocier si la personne est exposée de nouveau à un stress aigu ou un trauma. Et… les traumas autistiques, ça continue généralement à l’âge adulte à moins de vivre sur une île déserte. La fusion finale n’est donc pas forcément adaptée, ou tout du moins, cela pose une vraie question (dont je n’ai pas la réponse).

Conclusion :

Il manque cruellement de recherche sur les spécificités des troubles dissociatifs chez les autistes et leur traitement. Il est possible que la prévalence de ces troubles soit plus élevée chez les autistes en raison de leur exposition aux traumas autistiques infantiles et répétés. Il est également probable que ces troubles soient largement sous-diagnostiqués dans la population autiste, par méconnaissance et manque de spécialistes tout d’abord, et en raison de facteurs confondants rendant le diagnostic particulièrement ardu ensuite.

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